L’invention du paysage caucasien

Marina Frolova Ignatieva

Le Caucase évoque dans l’imagerie européenne un ensemble de clichés : tout d’abord, les images liées aux légendes grecques et bibliques ; puis celles des XVIIIe et XIXe siècles d’une région stratégique, d’un « Orient » exubérant et riche ; celles de la fin du XIXe siècle et de la majeure partie du XXe siècle en tant que paradis pour la recherche et le tourisme, et enfin les représentations récentes d’un espace marginal et divisé, caractérisé par des conflits et des tensions ethniques et territoriales persistants. Ce centre mythique de l’Eurasie a également joué un rôle central dans la production d’images spécifiques à la haute montagne en Russie. Cette représentation naturaliste, pragmatique et, à bien des égards, coloniale du paysage caucasien dominera en Russie puis en Union soviétique et servira d’archétype scientifique pour l’interprétation d’autres montagnes.

La construction de l’image du paysage caucasien dans la géographie russe est un processus long et complexe influencé par la « réalité perceptible » de cette région immense et longtemps mystérieuse, mais aussi par l’histoire de ses explorations et par le développement de la géographie russe elle-même. Elle a également été conditionnée par d’autres facteurs d’ordre non scientifique, tels que des éléments idéologiques, des préjugés, des croyances et des aspirations liés aux différentes périodes de développement de cette région.

En effet, l’émergence de nombreux modèles géographiques de l’environnement a été liée à des projets sociaux ancrés dans certaines périodes et dans certains lieux. Par exemple, le concept scientifique de paysage en Russie s’est mis en place dès la fin du XIXe siècle dans le contexte de l’appropriation coloniale du territoire et à la suite de recherches appliquées afin d’améliorer l’administration de vastes espaces de ce pays.

L’objectif de la conférence est de démontrer, via la production de visions paysagères dans les conditions géographiques, historiques et culturelles spécifiques du Caucase, la relativité de l’interprétation scientifique de l’environnement et sa relation avec les représentations sociales et culturelles circulant en Russie entre le XVIIIe et le XXe siècle.

Intervenante : Marina Frolova Ignatieva
Professeure au Département d’analyse géographique régionale et de géographie
physique de l’Université de Grenade
Titulaire de la Chaire Sporck 2023-2024 au Département de géographie de l’Université
de Liège

Lieu: Auditoire Sporck
Entrée libre
Pour tout complément d’information et réservation, envoyer un e-mail à : secretaire@sglg.be

DATES

MER 03/04 - 17:30

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